Tour à Tours: Cap Sud pour commencer, Cook is Not Dead
Ces derniers temps, j'avais comme l'amertume collée au palais, le désespoir agrippé aux papilles. Les effluves de la malhonneteté m'effleurait les narines à chaque porte de resto franchie. J'avais comme une impression de déjà-vue à chaque assiette servie, et je décelais les anarques du bon goût sur chaque ardoise brandie. Suggestion du jour? produits à passer...Bar et Fenouil rôtis? encore?!! Magret lentement cuit par nos soins? sous-vide, easy...
J'avais l'impression qu'on nous prenait vraiment pour des cons.
Les saveurs uniformes, les appellations pompeuses et si désuètes, les tendances copiées-collées...j'arrivais à saturation. Je me demandais si ça valais encore la peine d'honorer la cuisine, la bouffe, la ripaille, la gastronomie, toutes ces versions de ma passion pour le goût, alors que partout où j'allais la déception me suffoquait. On encensait KGB, Miroir et d'autres encore, j'y courrais la salive aux lèvres, l'estomac à la fête, j'allais enfin kiffer quoi. Et puis...rien. Le sous-vide perfectionne la cuisson, les associations à la mode fonctionnent certes, mais au delà, rien, mes papilles somnolent toujours, pas de surprise, pas de choc, pas de charme.
Heureusement, au détour de rencontres bienheureuses, j'allais me ressaisir en goûtant l'audace tant recherchée, par exemple en dinant à la Gazetta. C'était amer, c'était doux, fumé ou sirupeux, craquant, piquant et finalement fondant, quelques erreurs de parcours, évidemment, mais au moins le courage de prendre le risque!! Un sur mille me redonnait la foi.
Car franchement, je me faisais sacrément chier ces derniers temps. J'aurais pu croquer une aubergine crue trempée dans le chocolat blanc rien que pour réveiller mes sens!!
J'étais avide de nouveauté, de générosité et de folie. Je voulais tout à la fois, faire voler les verres en crital et les nappes blanches, péter la gueule aux serveurs endimanchés et lourdingues, déchirer les cartes et leur logghorrée ridicule, voir les chefs de partie et les commis s'activer, et être félicités, sentir le chef vibrer et cuisiner, croire encore que la cuisine c'était bien ça: aimer et partager.
J'arrêtai alors les frais pour quelques temps, savourais mes carbo à la maison, essayais le cerfeuil avec le sablé breton pour voir, poursuivais plus sereinement mon bonhomme de chemin.
Puis une proposition, un week-end, la province, aucun a priori, pas d'avis ni (trop) de critiques gastronomiques. Juste une ou deux adresses, pas de pression, pas d'attente. Et boum. On y était. Et puis même si ce n'était pas vrai (qui saurait détenir la vérité? qui serait le juge suprême alors?), c'était tellement bon, tellement vrai, qu'on y a tout simplement cru, et pouvoir croire à nouveau, dieu que ça fait du bien !!
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Au CapSud pour débuter, 13 heures bien sonnées, l'estomac dans les talons, et ces derniers en vrac de taper le bitume de la jolie mais désertique ville. Franchir la porte, et déjà se sentir bien. Une petite salle, intime et chaleureuse mais ultra moderne et colorée. Gris, blanc et rouge, c'est clair et propre, bien agencé, on pense déjà à les copier pour refaire son salon, voyez. Et puis l'accueil, un poil trop bavard peut-etre, mais on est en week-end alors on a le temps, des choses à dire, et l'oreille curieuse.
Ici les prix du menu déjeuner vous mettent une claque d'emblée. Quand à Paris vous bataillez pour payer moins de 18 euros une entrecôte dégueulasse avec "ses"frites surgelées et "sa" sauce doucement relevée (moutarde quoi), à Tours, au CapSud en tout cas, vous apposez le parafe sur un cheque de 16.00euros,même le samedi, pour déguster la totale entrée/plat/dessert, et on est à mille lieues des bavettes/patates et autre bistroteries. Notez que je n'ai rien contre les bistroteries, tant qu'elles conservent un rapport qualité-prix décent. Je me ferais bien la côte de boeuf pour deux du Bastringue là tiens, avec les petites patates sautées à l'ail qui vont bien, hummm...enfin bon je m'égare.
Ici donc, on est plutôt du côté cuisine moderne, fusion, nouvelle vague, appelons-là comme on veut. Je vous parle par exemple d'un quinoa travaillé comme un céleri rémoulade, rectangulairement posé sur une gelée de persil, qui accompagne tout en douceur ces cubes de thon aux graines de sésame, juste snakés.
Ou bien alors de mille légumes bien cachés dans une tuile qui me semble être tout simplement, mais intelligemment, de la pâte brisée à la carotte! Sous la brunoise de crudités (poivrons, concombre...) une aigrelette purée froide dartichauds, et pour adoucir tout ça, un velouté vraiment terrible, que j'imagine poivrons/carotte. Yes.
J'oubliai presque de vous définir le concept du "menu déjeuner". C'est tout con finalement. Entrée au choix à la carte, dessert , idem, mais un seul plat du jour. De quoi simplifier le travail des cuisiniers car on sait que le rythme du déjeuner est forcément plus soutenu, de garantir également (logiquement) une fraicheur assurée du produit principal (ici un poisson), et aussi d'assurer le roulement des denrées de la carte fixe entrées/desserts. C'est ce que je m'imagine en tout cas en tant que professionnelle. J'aime bien me dire qu'un concept sert à la fois le producteur et le consommateur. Eh oui.
Bon, on s'extasie, on se régale, on sauce, mais voyons voir la suite. Sur l'ardoise :Filet de poisson blanc (trou de mémoire), petits légumes, crème légèrement parfumée à l'ail. La-dessous finalement, le cuisto peut cacher un peut ce qu'il veut. C'est là que réside le risque quand il y a des exigences côté clients. En gros coco, je te fais confiance, donc si tu me sers des tomates ou des asperges en février, tu vas prendre cher. Mais au final, que du bon: un lit de risotto bien crémeux, un poisson épais et cuit vapeur, nickel, quelques champignons et carottes poêlés, une écume comme annoncée. Ok ok, le risotto n'était franchement pas au programme, mais c'était tellement harmonieux que je n'ai même pas sourcillé.
Attention, zone dangereuse. La carte des desserts, pour moi, c'est toujours un supplice. Parce que je mets 40 minutes à choisir et aussi parce que je suis 4 fois sur 5 déçue par le résultat. Comment dire, la pâtisserie, c'est un peu toute ma vie. Alors évidemment la barre est haute. Au CapSud, tous les intitulés sont tentants, on y cause pas mal de revisiter ceci ou cela (un bounty, un vacherin), et pour le visuel, c'est assez convainquant.
Mais en bouche, j'avoue émettre quelques réserves. Meringue sèche et dure, crème trop gélifiée, chiboust granuleuse, fruits insuffisants. Je sais, c'est rude. Il fallait bien un faux pas tout de même! Côté bounty, c'est déjà plus satisfaisant. Mais...quand même, c'est bien en dessous de tout ce qui a précédé. Ceci étant dit, les petites guimauves home made, parfum poire/clémentine, en guise de mignardise, rattraperont pas mal le coup !! Mes papilles s'en souviennent encore, jvous jure.
On est ressortie de là le sourire aux oreilles, le ventre satisfait, le palais réveillé. J'étais en train de me réconcilier avec la restauration. Oh yeah.
CAPSUD
88, rue Colbert
37000 Tours
tel: 02 47 05 24 81
Ouvert du Mardi au Samedi
déeuner :16 euros / menu carte diner :24 euros / menu dégust: 36 euros